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« Cela nous a rendu malades lorsque nous avons appris que le procès pouvait être retardé. Ce que nous vivons est juste incroyable et insupportable ». C’est en ces termes que la famille d’une victime décédée le 22 mars 2016 a interpellé l’association Life4Brussels, après avoir pris connaissance d’un article de presse qui annonçait le possible retard du procès.

L’AISBL Life4Brussels a appris ce matin que le président du SPF Justice, Monsieur Jean-Paul Janssens, avait envoyé un courrier à la Présidente de la Cour d’assises, stipulant qu’un possible retard du procès serait à envisager.
La réaction des victimes face à cette annonce n’est pas anodine. Leur aigreur se justifie notamment par de nombreuses interpellations du ministre de la Justice sur le sujet.
Le 20 septembre dernier, le Ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne a été interpellé en Commission de la Justice sur « L’organisation du procès des attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 au Justitia (https://www.lachambre.be/doc/CCRA/pdf/55/ac873.pdf) ».
Concernant l’aménagement des box, la députée fédérale Claire Hugon a demandé au ministre de la Justice de bien vouloir « communiquer les considérations qui ont présidé à cette décision de construire de tels box en verre ? » Elle a aussi précisé que « le procès des attentats de Paris n’avait pas eu recours à un tel dispositif et qu’il s’est pourtant déroulé de façon assez exemplaire. Certains rapportent qu’il s’agissait avant tout de considérations budgétaires, l’idée étant de mobiliser moins de policiers. »
La députée fédérale Sophie Rohonyi, a également demandé au ministre « quel était le coût des boxes initiaux mais aussi des nouveaux ? Quand et de quelle manière ces nouveaux boxes des accusés allaient être aménagés conformément à la demande de la présidente de la cour ? Enfin, si le ministre pouvait garantir que ces aménagements ne retarderont pas le procès tant attendu par les victimes ? »
Le SPF Justice avait été alerté sur le fait que ces box ne respectaient pas la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.

En effet, le député fédéral Khalil Aouasti s’est dit « heureux et en même temps furieux lorsqu’il a vu l’arrêt de la présidente de la cour d’assises ». « Furieux, parce que, le 8 juillet dernier, avec la commission de la Justice, il a visité le palais de justice “Justitia”. Lors de cette visite, il a été le seul à avoir indiqué publiquement que ces boxes ne respectaient pas la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ». « La réponse qui lui a été donnée par le SPF Justice et les représentants du parquet était teintée d’ironie : “regardez, les interprètes sont aussi derrière une vitre.” »
Il a ajouté qu’il était « furieux parce que, si cette question avait été abordée avec sérieux, cela fait peut-être trois mois déjà, et pas à trois semaines du début du procès, qu’on aurait pu envisager un autre box et d’autres circonstances pour détenir finalement ces accusés qui ne sont pas encore condamnés dans le cadre d’un procès majeur. En même temps, je suis heureux car, cet arrêt, c’est peut-être le plus fier service que nous a rendu la cour d’assises. Cela nous a permis d’éviter qu’un arrêt, qui n’aurait pas été en ce sens, ne soit, dans quelques années, réformé par la Cour européenne des droits de l’homme et
nous amène à devoir réorganiser le procès du siècle et à traîner à nouveau des centaines de victimes devant leurs présumés bourreaux. »
Le député fédéral Nabil Boukili a déclaré au Ministre de la Justice, « regretter qu’il n’y ait pas eu de concertation avec les associations de soutien aux victimes sur la manière dont on allait organiser ce procès ». Cela aurait en effet pu être judicieux, notamment quant à l’estimation du nombre de personnes qui souhaitent assister au procès. Le nombre de places prévues pour les parties civiles dans la salle principale risque d’être largement insuffisant. Or, la plupart des victimes qui assisteront au procès, ont entre autres, besoin
de voir le visage de ceux qui ont fait basculer leur vie. Elles veulent être actrices de ce procès et non spectatrices.
La députée fédérale Sophie Rohonyi a également interpellé le ministre en ce sens en précisant que « cela faisait craindre aux victimes de ne pas pouvoir prendre place dans la salle principale de la Cour d’assises à moins de camper devant l’entrée du bâtiment ». Et c’est exactement ce que certaines parties civiles ont fait lors de l’audience préliminaire du 12 septembre afin d’être sûres de pouvoir prendre place dans la salle.
Quant aux réponses du ministre de la Justice sur la question des box et du nombre de places prévues pour les parties civiles, elles sont toujours aussi lacunaires, voire inexistantes. Il se contentera de dire « que ce procès a été préparé par différents groupes de travail, déjà sous son prédécesseur. Ce n’est pas sa faute. À partir d’octobre 2019, il a été décidé de s’atteler à la préparation du procès et de former des groupes de travail. »
Il ajoutera « qu’il est encore trop tôt pour pouvoir estimer l’incidence des ajustements sur le budget et le calendrier ». Il ne répondra pas non plus à la question de la députée fédérale Claire Hugon qui souhaitait savoir « si la question de la légalité des box avait été soulevée dans les groupes de travail mis en place depuis trois ans et si les intervenants dans ces groupes avaient considéré que malgré tout, c’était conforme ou que peut-être il s’agissait de réduire le coût des forces de police nécessaires. »

Le ministre de la Justice semble se cacher derrière des considérations d’ordre sécuritaire et de santé, en déclarant « qu’en tant que ministre de la Justice, il ne peut prendre position alors que le procès est en cours. Toutes les mesures de sécurité sont le résultat des concertations menées dans les groupes de travail créés en 2019 pour préparer le procès (…) Cette infrastructure a été mise en place sur la base d’une analyse des services de sécurité et en accord avec le parquet fédéral. Pour ce faire, il a été tenu compte des expériences vécues lors du procès sur l’attentat du Bataclan à Paris. Ce procès a dû être suspendu à plusieurs reprises en raison de la contamination d’un ou plusieurs accusés au coronavirus. Les services concernés ont abordé le problème avec un grand professionnalisme et ils feront preuve de cette même qualité et du même sérieux pour appliquer la décision prise récemment par la présidente ».
Il ajoutera que « pour le moment, il y a 957 parties civiles enregistrées auprès du greffe. À l’heure où je vous parle, 181 ont été accréditées. La capacité de 840 places semble dès lors largement suffire ».
Or, toutes les parties civiles n’ont pas introduit de demande d’accréditation !
La députée fédérale Sophie Rohonyi répondra au ministre de la Justice « qu’en ce qui concerne les boxes des accusés, il affirme avoir tenu compte de l’expérience du procès des attentats de Paris, où des contaminations au covid auraient été constatées. Or ce risque est forcément accru lorsque l’on se retrouve dans un espace clos – ce qui n’était pas le cas à Paris, puisqu’une ouverture y avait été prévue. »
Life4Brussels se demande donc, comment en l’espace de 3 années, il n’a pas été possible au SPF Justice, de prévoir un nombre de places suffisant pour les victimes qui souhaitent assister aux audiences, ainsi que des box qui respectent la convention européenne des droits de l’Homme.
Au-delà de l’appréciation de la légalité des box, des représentants de l’AISBL Life4Brussels avaient pris place dans les box des accusés lors d’une visite du Justitia, afin de pouvoir se rendre compte notamment de la possibilité de communiquer avec une personne en dehors du box. Force est de constater que cela était très compliqué. Comment se fait-il que le SPF Justice n’ai pas pu faire ce même constat ?
Life4Brussels tient enfin à souligner que l’organisation de l’audience préliminaire fut problématique. Une victime ayant fait 2h de route afin d’assister à l’audience a dû rebrousser chemin car la sécurité lui avait interdit de pénétrer dans l’enceinte du Justitia avec son insuline, pourtant indispensable. Bon nombre de victimes, mais également des interprètes et autres, n’ont rien pu manger de la journée (depuis 6h du matin jusqu’à la fin de l’audience vers 19h). Absolument rien n’avait été prévu. Certaines personnes prises d’émotions et d’angoisses risquaient à tout moment de faire un malaise. Des sandwichs et des distributeurs de snacks avaient pourtant été annoncés.